06
jui
2020

“Un Brexit forcé ne fera que des perdants, y compris en Belgique”


Les négociations entourant la sortie économique du Royaume-Uni de l’Union européenne sont dans l’impasse. Le Brexit forcé semble désormais inévitable. Cette situation ne fera que des perdants, des deux côtés de la Manche. Et certainement parmi les nombreuses PME de notre pays, comme en témoignent Franky de Pril et Lize Martens d’EY: “Elles doivent impérativement sortir leurs plans d’urgence du tiroir!”

Les Britanniques ont quitté l’Union européenne le 31 janvier. “Jusqu’à la fin de cette année, cependant, nous sommes en période de transition: le Royaume-Uni fait toujours partie de notre union douanière et du marché unique”, précise Lize Martens, conseillère Brexit and Trade chez EY.

“Pendant cette période, l’Union européenne et le Royaume-Uni négocient leur future relation. Mais ne nous leurrons pas: six mois après le début de ces négociations, nous ne sommes nulle part. Les deux parties l’affirment.”

“Ne nous leurrons pas: six mois après le début des négociations autour du Brexit, nous ne sommes encore nulle part.”
Lize Martens, conseillère Brexit and Trade chez EY
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“Les quatre derniers cycles de négociations ont été difficiles et n’ont abouti à aucune percée majeure”, reprend l’experte. “Les points sensibles apparus au début des discussions sont toujours sur la table, je pense principalement à la pêche et à l’égalité des conditions de concurrence.

En juin, le gouvernement britannique a officiellement annoncé qu’il ne prolongerait pas la période de transition. L’échéance du Brexit est donc définitivement fixée au 1er janvier 2021, avec deal ou sans deal.”

Contrôles aux frontières

“Avec la sortie économique en vue, les Britanniques craignent de plus en plus de ne pas pouvoir gérer le nombre croissant de contrôles aux frontières”, observe Franky de Pril, partner EY Global Trade. “Ce facteur entraînera une congestion de leurs ports. C’est pourquoi le Royaume-Uni a décidé d’introduire les contrôles aux frontières par étapes.”

Concrètement, “à compter du 1er janvier 2021, les exportateurs européens disposeront dans un premier temps de six mois – jusqu’au 1er juillet 2021, donc – pour déposer leurs déclarations en douane et s’acquitter des droits éventuels. Toutefois, l’alcool et le tabac en provenance de l’UE seront soumis à des contrôles stricts dès le 1er janvier 2021. Et les denrées alimentaires ne seront soumises à une notification préalable qu’à partir du 1er avril 2021. Avec cette approche progressive, ils espèrent contenir le prochain contrecoup économique à Londres, après la grave contraction économique due à la crise du coronavirus.”

“L’Europe, pour sa part, a indiqué qu’elle ne s’écarterait pas de ses propres obligations douanières: elle contrôlera strictement les importations en provenance du Royaume-Uni à partir du 1er janvier 2021”, prévient Franky de Pril. “Les gouvernements européens appellent les entreprises à se préparer dans les plus brefs délais aux nouvelles exigences en matière d’importations et d’exportations. Selon les experts, le Brexit engendrera jusqu’à 40% d’augmentation des déclarations en douane en Europe. Il est à craindre que les entreprises ayant peu d’expérience en matière d’importation et d’exportation, à l’instar de nombreuses PME belges, ne soient pas suffisamment préparées. Pour celles-ci, le choc du Brexit sera encore plus difficile à digérer.”

Taxes à l’importation

“Pour les entreprises, les coûts liés à l’augmentation des déclarations en douane et à l’allongement des trajets rendront les exportations et les importations du Royaume-Uni plus coûteuses à partir de l’année prochaine”, ajoute Lize Martens. “Une rupture brutale sans accord fera flamber ce coût pour les entreprises, car le cas échéant, elles devront faire face à des droits d’importation supplémentaires.”

Le Royaume-Uni a entre-temps dévoilé ses propres tarifs. “Pour certaines catégories de produits, ceux-ci diffèrent du tarif de l’UE. Les droits d’importation sont souvent réduits à 0%, mais parallèlement, le pays maintient des droits de douane élevés pour protéger sa production locale. Des droits de douane qui peuvent atteindre 12% sur les vêtements, par exemple.”

“Le monde des affaires doit sortir ses plans d’urgence du tiroir et se préparer à un Brexit sans accord. Ce scénario est plus réaliste que jamais.”
Franky de Pril, partner EY Global Trade
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Et la suite?

“Les négociateurs en chef sont récemment parvenus à un accord visant à intensifier les discussions à partir de juillet et à débloquer les négociations dans l’espoir de parvenir à un accord ratifié d’ici à la fin de l’année”, note encore Lize Martens. “Pour sortir de l’impasse, les deux parties doivent faire un pas l’une vers l’autre. Reste à savoir si le compromis est encore possible après plusieurs mois de méfiance.”

“Le monde des affaires doit sortir ses plans d’urgence du tiroir et se préparer à un Brexit sans accord”, conclut Franky de Pril. “Ce scénario est plus réaliste que jamais. Il ne fait plus aucun doute que le Brexit ne fera que des perdants, y compris en Belgique.”

Dates-clés


  1. 31/1/2020: Le Royaume-Uni quitte l’Union européenne. S’amorce alors une période de transition jusqu’à la fin de l’année.
  2. 1/1/2021: Le Royaume-Uni quitte l’union douanière européenne et le marché unique. L’Europe intensifie ses contrôles sur les importations britanniques.
  3. 1/1/2021: Les exportateurs européens ont six mois pour introduire leurs déclarations de douane et payer leurs taxes. Ce report ne s’applique pas à l’alcool et au tabac.
  4. 1/4/2021: L’obligation de notification préalable est désormais applicable aux denrées alimentaires.
Franky De Pril
Partner EY Global Trade
+32 2 774 9484
Lize Martens
Conseillère Brexit and Trade chez EY