13
nov
2018

Mobilité, recrutement, salaires, contrats: les RH face au défi du Brexit


Le Brexit affectera sous une forme ou une autre les ressources humaines des entreprises – belges ou britanniques – des deux côtés de la Manche, prévient Marc Mostin, senior manager People Advisory Services chez EY. Il convient d’identifier les points d’attention pour s’y préparer au mieux et de toute urgence. Voici ses conseils.

3 conseils essentiels pour bien débuter

“Mon premier conseil: examinez de près la situation actuelle. La législation européenne permet en effet aux citoyens européens de travailler, de circuler, d’étudier et de prendre leur retraite dans n’importe quel pays de l’Union. La reconnaissance des qualifications professionnelles est elle aussi assurée au niveau européen. Si vous employez des expatriés au Royaume Uni, ils profitent de ces avantages. Tout comme leurs familles. Cette prise de conscience est un bon point de départ si l’on veut se faire une idée précise des changements que le Brexit entraînera au niveau individuel dans le domaine des ressources humaines.”

“Ma deuxième recommandation aux entreprises serait la suivante: cartographiez votre présence au Royaume-Uni afin d’évaluer précisément votre exposition aux changements qui interviendront de toute façon, avec ou sans accord », indique Marc Mostin. “Où sont-elles présentes sur le territoire britannique et sous quelle forme: entrepôt, chantier, bureau? Au sein du personnel, combien de collaborateurs opèrent au Royaume-Uni et sous quelle fréquence: de façon permanente, temporaire (détachement) ou via de multiples missions de courte durée? Quel est leur profil: cadres (supérieurs), techniciens (spécialisés), IT, commerciaux, employés ou ouvriers peu qualifiés? Il importe ensuite de quantifier cette exposition dans l’activité de l’entreprise: est-elle forte, moyenne ou marginale?” Plus l’intensité de l’exposition est élevée, plus la nécessité d’anticiper le changement est primordiale. Et ce, quel que soit le type de Brexit, avec ou sans accord.

“Le Brexit peut représenter une aubaine pour nos profils internationaux. À compétences égales, les profils belges hautement qualifiés, expérimentés et disponibles sont bien plus abordables que leurs homologues britanniques.”
Marc Mostin, senior manager People Advisory Services chez EY
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Troisième recommandation: “Informez votre personnel des changements qui pourraient l’affecter à la suite du Brexit. Certaines actions seront de toute façon nécessaires, telles que l’obligation, pour les citoyens européens vivant au Royaume-Uni, de se faire enregistrer et d’obtenir un permis de résidence. De même, si vous avez des citoyens britanniques parmi votre personnel, vérifiez s’ils souhaiteraient devenir citoyen belge afin qu’ils puissent garder leurs droits dans l’ensemble de l’UE.” Il est important de noter que, pendant la période de transition, qui – dans le cas d’un accord – devrait courir du 29 mars 2019 au 31 décembre 2020, les citoyens européens vivant actuellement au Royaume-Uni et les citoyens britanniques résidant dans le reste de l’UE conserveront tous les droits dont ils jouissent aujourd’hui.

Guerre des talents accentuée

Au sein des ressources humaines d’une entreprise, l’impact le plus brutal portera sur la division “mobilité internationale”, chargée notamment de l’obtention et du renouvellement des visas et des autorisations de travail. “Des barrières nouvelles vont s’ériger, les processus s’avéreront plus lourds, plus onéreux et plus lents”, prédit Marc Mostin. “En second lieu, les équipes ‘gestion des talents et rémunération globale’, déjà exposées à une ‘guerre des talents’, verront celle-ci exacerbée dans le contexte de la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne, notamment en raison d’une raréfaction des bons profils internationaux. Certaines personnes actuellement actives en Grande-Bretagne pourraient être tentées de se tourner davantage vers l’Asie et les États-Unis.” Il devient crucial de pouvoir recruter, garder et motiver des profils talentueux moins disponibles, donc plus exigeants, tout en restant budgétairement responsable. Les départements sociojuridiques confrontés à des changements du cadre fiscal, social et de sécurité sociale devront repenser et adapter les règlements, polices, conventions collectives et individuelles. Ces nouveaux paradigmes influenceront également la manière dont les rémunérations seront composées et calculées: l’administration des salaires devra s’aligner.

Opportunités pour les Belges

“Le management doit s’assurer que la direction des RH a créé un groupe dédié au Brexit”, reprend le spécialiste. “Et que les départements précités disposent de la formation et des compétences nécessaires pour piloter ce changement. Ensuite, je le répète, je conseille de bien communiquer en interne tant avec les autres acteurs de l’entreprise qu’avec le personnel. Il importe de maintenir un canal ouvert pour toutes les questions des collaborateurs.” Malgré les difficultés prévisibles, le Brexit pourrait-il s’avérer positif pour certains aspects des ressources humaines? Marc Mostin le croit: “Profitez-en pour repenser globalement votre politique de mobilité RH et optimiser l’allocation de vos ressources. Et puis, le Brexit peut représenter une aubaine pour certains de nos profils internationaux. À compétences égales, les profils belges hautement qualifiés, expérimentés et disponibles sont bien plus abordables que leurs homologues des pays voisins, notamment britanniques.” Plusieurs acteurs majeurs du monde de l’assurance, Lloyd’s of London en tête mais aussi QBE, ont choisi Bruxelles pour la relocation de tout ou partie de leur activité en Belgique. Certains ont d’ailleurs fait le pari de s’implanter avec du personnel local.

Marc Mostin
senior manager People Advisory Services chez EY
+32 2 774 6027