Brexit validé… le vrai travail commence!
Le Royaume-Uni a quitté l’Union européenne. L’accord de sortie a finalement été approuvé des deux côtés de la Manche. Pour autant, ce n’est que le début d’un long processus. Dans des délais serrés, les négociateurs britanniques et européens devront définir leurs nouvelles relations. Franky De Pril et Lize Martens, chez EY, insistent sur l’importance pour les entreprises de se préparer soigneusement à la nouvelle donne.
L’Union européenne ne comptera plus que 27 États membres à partir de minuit. Mercredi, le Parlement européen a en effet approuvé l’accord de sortie qui avait été préalablement validé au Royaume-Uni. À partir de demain, nous entrerons dans la période dite de transition, qui court jusque fin 2020. D’ici là, le Royaume-Uni fera de facto partie de l’Union européenne, mais sans voix au chapitre politique. Bien que l’UE ait envisagé la possibilité d’un prolongement de ce délai, ce scénario semble peu probable. La promesse électorale du Premier ministre britannique Boris Johnson était claire: “Get Brexit done!”
Inquiétudes dans le secteur des services
“La phase la plus délicate des négociations ne fait que commencer: celle qui concerne les futures relations entre l’UE et le Royaume-Uni, qui seront scellées dans un accord commercial bilatéral”, explique Franky De Pril, partner EY Global Trade. “L’UE souhaite un partenariat le plus large possible, couvrant les biens, les services, l’emploi, l’environnement, etc.”.
“Les Britanniques s’en tiennent à une période de transition qui se terminera fin 2020. Toutefois, ce délai de onze mois pourrait ne pas suffire pour élaborer un accord global. Les négociateurs donnent la priorité aux questions non couvertes par les accords internationaux ainsi qu’aux échanges de marchandises ; ils veulent éviter à tout prix les taxes et les restrictions douanières. Compte tenu de l’accent placé sur les biens, le secteur des services est sous tension. Pendant cette phase de transition, il ne constitue en effet pas une priorité dans les négociations”, déclare Franky De Pril.
La Commission européenne propose de conclure un “accord global” s’articulant autour de trois aspects-clés: général, économique et sécurité. Il sera possible de s’entendre sur d’autres questions en parallèle ou à une date ultérieure dans le cadre d’accords complémentaires.
Selon Lize Martens, conseillère EY Brexit and Trade, cet accord ne sera pas une tâche facile. Surtout à la lumière des récentes déclarations du chancelier britannique, Sajid Javid. “Le ministre des Finances et des Affaires économiques a en effet encore récemment réitéré que le Royaume-Uni n’avait pas l’intention de répliquer la réglementation européenne après la période de transition. Le Royaume-Uni ne fera plus partie du marché unique ni de l’union douanière. Les entreprises doivent se préparer à une nouvelle réalité et ont en principe déjà eu trois ans pour le faire.”
L’UE a répondu par l’intermédiaire de Michel Barnier, le négociateur en chef européen. L’absence de droits de douane et de restrictions à l’importation n’est possible que si les réglementations de l’UE et du Royaume-Uni sont harmonisées. “Ces droits de douane zéro constituent par ailleurs une donnée changeante”, ajoute Franky De Pril. Les produits fabriqués en dehors de l’UE et livrés à partir de l’UE au Royaume-Uni sont taxés au taux d’importation standard, le taux étant fonction du produit. Les deux parties doivent fixer les conditions par produit ou catégorie de produits dans leur accord commercial. Cela signifie également que tous les secteurs ont des intérêts majeurs dans ces négociations. Idéalement, ils devraient faire entendre leur voix clairement. La question reste de savoir si onze mois suffiront pour y parvenir.
“Un risque supplémentaire, que les entreprises sous-estiment souvent, est celui d’une réglementation divergente des produits au Royaume-Uni. En conséquence, les producteurs seraient obligés d’engager des coûts élevés pour vendre leurs produits des deux côtés de la mer du Nord. Des secteurs tels que l’automobile, la pharmacie, la chimie, l’alimentation, etc. sont concernés. Les écueils se situent notamment au niveau des exigences de qualité des produits et de tests préalables, d’étiquetage, d’enregistrement des produits, de produits interdits en production, de licences d’importation supplémentaires requises, etc.”
La frontière tant redoutée
“Nous avons toujours conseillé aux entreprises de se préparer au pire”, répète De Pril. “Et de nombreuses entreprises se préparent effectivement au pire depuis un certain temps déjà, tandis que d’autres continuent d’observer passivement la situation. Une chose est sûre: le Brexit est une réalité désormais. Et il semble bien que le Royaume-Uni quittera de facto l’UE au 1er janvier 2021, quel que soit l’état d’avancement des négociations. La frontière tant redoutée sera réintroduite, de même que les formalités douanières. Reste à savoir comment les choses s’organiseront dans la pratique en Irlande du Nord.”
La quasi-totalité des secteurs en Belgique qui traitent avec le Royaume-Uni ressentira les effets du Brexit. “La Belgique, en tant que plate-forme logistique, sera peut-être même la plus affectée. Les formalités aux frontières se traduisent par un allongement des délais de transport, un alourdissement de la charge administrative, une hausse des coûts et une augmentation des exigences des clients. En outre, nous prévoyons un changement des modes de transport dans certains secteurs. Des délais de livraison courts, convenus par contrat, obligeront certaines compagnies à recourir plus fréquemment au fret aérien. Nos opérateurs logistiques sont-ils prêts à jouer leur rôle dans cette nouvelle configuration?”
“L’industrie pharmaceutique est un secteur fortement réglementé, avec des chaînes d’approvisionnement internationales intégrées. La vitesse de circulation des marchandises est souvent cruciale. La diversité des réglementations et des normes constitue un défi majeur. En outre, le Royaume-Uni et la Belgique ont d’importantes activités en R&D, et les déplacements sont nombreux dans les deux sens.”
“L’accès rapide au marché britannique, avec le moins de barrières commerciales possible, comme des licences d’importation, est aussi une priorité pour les entreprises belges actives dans l’industrie alimentaire. De nombreux produits ont une durée de conservation limitée et les coûts d’investissement sont élevés. Par conséquent, la constitution de stocks supplémentaires sur l’île britannique n’est souvent pas le scénario privilégié.”
Nouveaux défis
Lize Martens ajoute: “Il est clair que nous abordons une réalité différente, assortie de nouveaux défis. Nous vous recommandons de suivre de près le déroulement des négociations afin de comprendre ce qu’elles impliquent pour votre secteur et votre assortiment de produits, qu’il s’agisse de biens ou de services. Investissez également dans des connaissances spécifiques, car comme le révèlent nos projets, les risques sont toujours sous-estimés, qu’il s’agisse des aspects logistiques, des procédures douanières, des changements contractuels, de l’impact du système et surtout de la dépendance vis-à-vis des partenaires commerciaux extérieurs tels que les fournisseurs et les clients.”
L’équipe Brexit d’un acteur mondial des produits industriels identifie pour nous les priorités de l’entreprise dans sa stratégie et son approche en matière de Brexit. Voici les trois principales. Beaucoup d’autres aspects doivent bien sûr aussi être examinés en profondeur, comme la logistique.
- Rassembler des données fragmentées pour parvenir à une évaluation correcte des risques, tant financiers qu’opérationnels.
- Identifier les adaptations nécessaires des systèmes pour sauvegarder les échanges futurs, notamment les ajustements en matière de facturation, l’intégration des systèmes, les corrections de données et Intrastat, qui continue de s’appliquer malgré les formalités d’exportation.
- La douane est également un élément essentiel à considérer. On peut notamment solliciter des transporteurs qui maîtrisent l’importation et l’exportation, identifier et répertorier les agents de douane ayant des capacités et des connaissances tant en Belgique qu’au Royaume-Uni. Nous avons également demandé diverses autorisations en matière de douane et de TVA afin d’utiliser au maximum les simplifications disponibles. Ce dernier élément est particulièrement important pour préserver la fluidité des échanges.