09
oct
2019

Cinq questions cruciales sur le Brexit

“Si la politique échoue, les entreprises ne pourront pas compter sur la moindre compassion”


Le compte à rebours du Brexit est à nouveau enclenché. La date de sortie du Royaume-Uni a été reportée du 29 mars au 31 octobre. Et nous y serons rapidement. Ce 31 octobre marquera-t-il pour autant la fin de cette saga? On peut se le demander, prévient Franky De Pril (EY).

Que pouvons-nous attendre du Brexit?

Le Royaume-Uni en est déjà à son troisième Premier ministre depuis le référendum sur le Brexit, qui remonte à plus de trois ans. Contraint de démissionner dès l’annonce du résultat, David Cameron a transmis le flambeau à Theresa May. Celle-ci a élaboré un accord de séparation avec le Conseil européen, mais la Chambre des communes (chambre basse) britannique l’a refusé à trois reprises. 

Boris Johnson, le troisième “Premier ministre du Brexit” du Royaume-Uni, a pensé court-circuiter la chambre basse, mais le Parlement est parvenu à inverser les rôles. Boris Johnson a en effet demandé à la reine Élisabeth II de suspendre de façon anticipée la chambre basse ; la Cour suprême a déclaré la manœuvre illégale fin septembre. 

En outre, une loi, approuvée tant par la Chambre des Lords que par la Chambre des communes, interdit un no deal. Pourtant, le Premier ministre maintient que le Royaume-Uni quittera l’Union européenne le 31 octobre, sans accord s’il le faut. Le no deal reste le scénario par défaut si aucun accord n’est trouvé pour le 31 octobre ou si le gouvernement britannique réclame un nouveau report. 

Les chefs de gouvernement délibéreront des scénarios possibles au sommet européen des 17 et 18 octobre. Le backstop entre l’Irlande et l’Irlande du Nord demeure le principal obstacle à la signature d’un accord. L’Europe veut à tout prix éviter une frontière dure. Selon les observateurs, le gouvernement britannique œuvre à une solution alternative, telle qu’une “zone franche économique” en Irlande du Nord. Néanmoins, tout le monde a bien conscience que ces propositions n’ont qu’une très maigre chance d’aboutir. 

Quel rôle joue (involontairement) le président américain Donald Trump?

Le Brexit a accru les investissements sur le continent européen, révèle le Baromètre EY de l’Attractivité belge en 2019. Simultanément, les économistes craignent l’impact négatif pour l’économie du Vieux Continent. Les projets américains de relever les droits d’importation sur l’acier et l’aluminium affecteront surtout l’industrie automobile allemande. Pour l’instant, les États-Unis ont décidé de différer ces mesures, mais en combinaison avec le Brexit, elles constituent un scénario catastrophe pour les Allemands. Leur économie risque d’être lourdement touchée. 

Ces perspectives permettent d’espérer que les chefs d’État et de gouvernement créent une ouverture au prochain conseil européen. Il est possible que le Royaume-Uni se voie accorder un nouveau report, ou que les acteurs du dossier fassent preuve d’une plus grande flexibilité et revoient l’accord de séparation. Ce dernier est jusqu’à présent inacceptable pour l’Europe. Et l’on peut se poser la question: Boris Johnson veut-il réellement un tel scénario?

Que peut faire votre entreprise?

En tant qu’entrepreneur, vous avez tout intérêt à vous préparer au pire scénario envisageable: un no deal. Lorsque la politique échoue, les entreprises ne peuvent pas compter sur la moindre compassion. Pourtant, les spécialistes voient toujours certaines entreprises ignorer complètement le Brexit. Heureusement, d’autres s’y préparent avec minutie. 

La plupart des grandes entreprises ont cartographié depuis longtemps l’ensemble des risques, des menaces financières à une réorganisation complète des flux de marchandises en passant par de nouveaux contrats avec les fournisseurs et clients. Cela ne signifie toutefois pas que ces entreprises sont prêtes à opérer la transition dans l’immédiat. Elles disposent de plans, cependant, et tout est prévu. Et oui, ces reports incessants coûtent parfois plus cher que l’entrée en vigueur du Brexit.

“Pour votre entreprise, vous devez au moins savoir comment vous pourrez importer et exporter des marchandises, et ce que cela impliquera pour vous.”
Franky De Pril, associé EY & EMEIA Global Trade Leader
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La plupart des PME belges se sont livrées à un bel exercice de réflexion. Elles ont fait le nécessaire pour préserver leurs relations d’affaires avec le Royaume-Uni. Depuis, elles attendent. Mais il est minuit moins une. Bien que personne ne sache à quoi ressemblera la situation après le 1er novembre, la probabilité de voir l’Europe et le Royaume-Uni se séparer sans accord solide reste relativement élevée. Pour votre entreprise, vous devez au moins savoir comment vous devrez importer et exporter vos marchandises, et ce que cela impliquera pour vous.

Que font les gouvernements?

Les membres de l’Union européenne et le Royaume-Uni prennent également des mesures pour se préparer à un no deal. Les États membres de l’UE veulent que les échanges commerciaux avec le Royaume-Uni conservent toute leur fluidité, à commencer par la circulation des marchandises. 

La douane française a développé une solution technologique baptisée Smart Border. Les entreprises peuvent y introduire leurs formalités douanières à l’avance, tandis que le système combine automatisation poussée et identification du mode de transport. Cette solution innovante s’appliquera notamment à Calais. Les systèmes sont là, le personnel est formé et les processus sont définis. Les Français sont en train de tester leur solution de manière approfondie.

Qu’en est-il dans notre pays?

La Belgique prend elle aussi des mesures. Le port de Zeebruges, surtout, constitue pour l’Europe une porte d’accès importante vers le Royaume-Uni. La direction du port lance des initiatives avec le secteur privé et les dirigeants politiques aux niveaux flamand, fédéral et européen. 

Vous faites partie des entreprises qui pensent que le Brexit n’aura qu’un impact passager? Nous vous conseillons d’identifier ce que vous devez faire a minima pour garantir la continuité de vos affaires. Peut-être aurez-vous raison. Mais quoi qu’il en soit, le Royaume-Uni continuera de s’agiter, que ce soit à l’intérieur ou en dehors des institutions européennes.

Franky De Pril
Associé EY & EMEIA Global Trade Leader
+32 2 774 9484