Restez vigilant, le Brexit n’est pas terminé
Les négociations autour du Brexit sont au point mort. Depuis que les Européens ont accordé un troisième sursis aux Britanniques, aucune rencontre n’a eu lieu entre Bruxelles et Londres. De nombreuses entreprises ont l’impression qu’elles peuvent relâcher leur effort. Ce serait une erreur, préviennent Jan Grauls et Franky De Pril, respectivement Senior Advisor et associé chez EY.
Le débat autour du Brexit divise profondément la classe politique et l’opinion publique britanniques. Tant chez les conservateurs qu’au sein du Labour, les opinions sont très partagées et les discours se durcissent. Ce qui se traduit par des discussions houleuses au Parlement, où l’on répète comme une litanie tout ce que ne veulent pas les Britanniques : pas de “no deal”, pas d’accord conclu en novembre entre la Première ministre Theresa May et l’UE, pas de deuxième référendum…
Londres négocie donc toujours avec Londres. Les négociations directes entre le gouvernement et le Labour, que Theresa May avait ouvertes à contrecœur le mois dernier, n’ont toujours pas apporté de solution. La Première ministre a maintenant annoncé qu’elle soumettrait une nouvelle proposition « audacieuse » au Parlement, dans l’espoir de rallier certains députés de l’opposition.C’est d’ailleurs probablement sa dernière chance d’obtenir un accord avant son départ du gouvernement, dans les prochaines semaines, même si le succès de la manœuvre est loin d’être acquis.
L’absence de perspective d’accord à court terme contraint les Britanniques à participer aux élections européennes de fin mai. Un scénario catastrophique pour le parti conservateur et pour le Labour, mais une occasion en or pour le nouveau Brexit Party de Nigel Farage.
Non seulement Londres négocie uniquement avec Londres, mais elle le fait dans une bulle de verre. Le Brexit est désormais un débat exclusivement britannique, qui ne tient absolument pas compte de ce qui est acceptable pour l’UE. Ces dernières années, le Royaume-Uni s’est fait remarquer à plusieurs reprises par une étonnante ignorance, feinte ou non, de ce qui est techniquement et politiquement envisageable pour l’UE. Le négociateur européen Michel Barnier a perdu beaucoup de temps à répéter ce qu’il avait déjà expliqué…
Deux idées négociées au sein de cette bulle pourraient devenir particulièrement problématiques, au moment des négociations ultérieures. La première est celle d’une union douanière ad hoc pour les biens, et donc une absence d’espace commun pour les services et les normes. La seconde, un régime idoine qui donnerait aux Britanniques voix au chapitre dans les décisions européennes sur les accords commerciaux au terme du Brexit. Si l’UE a fait savoir à plusieurs reprises qu’elle analyserait les propositions britanniques avec souplesse, il serait quand même étonnant que ces deux idées ne se heurtent pas à une vive opposition du côté de Bruxelles.
Deux autres questions qui ont disparu de l’actualité vont certainement remonter à la surface. Comment maintenir ouverte la frontière britannico-irlandaise, comme convenu dans l’accord du Vendredi saint ? Et les 27 États membres restants pourront-ils garder leur remarquable unité pendant la suite des discussions ?
Préparez votre entreprise
Toutes les entreprises ne réagissent pas de la même façon au report du Brexit. Celles qui s’y étaient bien préparées, surtout, soulignent les coûts du délai ; elles sont déçues parce que ce sursis ne dissipe pas l’incertitude actuelle. Celles qui étaient encore en train de se préparer font preuve d’une plus grande compréhension, car elles disposent de davantage de temps. La réaction la plus inquiétante provient cependant des entreprises qui pensent pouvoir oublier temporairement le Brexit dans l’espoir de voir cet énorme défi disparaître comme par enchantement. Ce genre de relâchement est préoccupant, car il est illusoire de penser que le dossier Brexit est clos…
Vous avez en effet toujours intérêt à vous préparer à un “no deal”. Si vous concluez de nouveaux contrats, soumettez-les au droit européen. Intégrez-y le plus de dispositions possible qui renvoient à la réglementation européenne habituelle. Le Brexit perturbera suffisamment les relations d’affaires pour ne pas y ajouter le droit britannique en plus. Stipulez également que les litiges seront soumis à des tribunaux européens qui les traiteront selon le droit européen, car vous êtes logiquement plus familier des règles européennes que de la common law britannique.
Les sites Web de la Commission européenne et des administrations fédérales et régionales belges constituent une mine d’informations sur la manière dont vous pouvez, dans la pratique, préparer votre entreprise au Brexit. Par exemple, vous pouvez agir pour tout ce qui touche aux écolabels. L’Union européenne ne les reconnaîtra plus après le Brexit. Il en va de même pour la législation Reach sur les produits chimiques. Les gestionnaires d’actifs britanniques perdront leur passeport européen et seront considérés comme des opérateurs de pays tiers. Les registres du commerce des entreprises britanniques ne seront plus disponibles sur le portail européen.
Préparez-vous en outre à des formalités douanières. Le modus operandi des douanes britanniques sera très différent des processus standard auxquels vous êtes habitué. Elles travailleront avec une pre-clearance et effectueront les contrôles sur le continent. Simultanément, elles introduiront des mesures de simplification.
Les entreprises doivent identifier la meilleure solution pour leurs échanges commerciaux. Qui effectuera les exportations et importations, et selon quelle procédure ? La déclaration d’origine des produits et le calcul de la valeur à l’importation représenteront deux autres défis majeurs. L’administration belge applique strictement les règles européennes les plus récentes. Une entreprise qui n’est pas établie dans l’Union européenne ne peut exporter en son nom propre; cela vaut pour les entreprises britanniques.